Des visages des figures
Temps de crise financière oblige, depuis quelques jours, se succèdent à la une de nos journaux et magazines les visages défaits de ces fameux traders. Hier triomphants, ivres de stress et de pouvoir, on les découvre aujourd'hui graves et tristes face aux tableaux des cotations. Leur maman réconfortante sur une ligne, sans doute, leur chef de service éructant dans l'autre, ils ont le sourire gris et les larmes aux yeux. Certains, adossés à Wall Street, prennant leurs têtes entre les mains, ferment les yeux pour oublier ces moments de cauchemar. C'est ainsi: le trader larmoyant à la cravate défaite, dépassé par les cotations, anéanti par ses investissements, est devenu emblématique de cette période venteuse que traversent les bourses du monde entier. A la fermeture des marchés, l'inquiétude grandit: l'un se demande s'il ne va pas subir une baisse conséquente de son salaire indécent; l'autre pense même revendre sa Porsche 911 et se rabattre sur une Audi. De durs sacrifices ! Mais une fois la machine relancée, les milliards réinjectés par les Etats, aucun de ces hommes ou de ces femmes aux manettes des marchés financiers n'aura bien sûr une seule pensée de compassion pour ces millions de personnes balayées par leur vision du profit à court terme et leurs investissements hasardeux: les petits propriétaires écrasés par leur dette contractée, les ouvriers débarqués, les vies de famille brisées au nom du Grand Capital. Des visages, des figures oubliés des journaux. Les vrais perdants. Nous.